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Gérard Araud – Israël, le conflit sans fin

L’attaque du Hamas nous rappelle que le Proche-Orient est le théâtre d’un conflit brûlant, qui a découragé le monde entier.


La communauté internationale s’accommode du statu quo dans le conflit israélo-palestinien. Il est vrai qu’il n’existe aucune perspective réaliste de négociation entre les deux ennemis. Du côté israélien, un gouvernement d’extrême droite s’est engagé dans une annexion de fait de la Cisjordanie et, du côté palestinien, une Autorité discréditée pour son inefficacité et sa corruption affronte dans un climat de guerre civile le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza en prônant la lutte armée. Joe Biden en a tiré les leçons en étant le premier président des États-Unis depuis un demi-siècle à ne même pas essayer de relancer un processus de paix ; les Européens sont découragés et les pays arabes du Golfe ont des préoccupations plus urgentes que la cause palestinienne, à savoir la rivalité avec l’Iran, qui les met dans le même camp qu’Israël.

La situation de Gaza, où vivent 2 millions d’habitants sur 365 kilomètres carrés dont ils ne peuvent pas sortir, et le contrôle qu’y exerce le Hamas, financé et armé par l’Iran, conduisent à des bouffées régulières de violence, récemment en 2008, 2012, 2014 et 2021. À chaque fois, le scénario était jusqu’ici le même : une attaque lancée de Gaza contre Israël, une réponse militaire ferme et, au bout d’une période plus ou moins longue, un cessez-le-feu négocié par un médiateur extérieur, en général égyptien. Jusqu’à la prochaine…

Ce qui change cette fois, c’est le succès tactique remporté par l’attaque. Les Israéliens ont pu assister au spectacle, sans précédent dans leur histoire, de combattants du Hamas se déplaçant à pied dans des localités où ils ont pu tuer et enlever leurs habitants. Ils sont confrontés aux angoisses et au chagrin de leurs concitoyens qui ont perdu des proches ou qui constatent leur disparition. Car, ce qui fait de la crise actuelle un événement radicalement différent des épisodes précédents, c’est l’enlèvement de plusieurs dizaines d’Israéliens – peut-être plus – par le Hamas et leur transfert à Gaza, où ils seront utilisés comme des boucliers humains. Or, s’il est un dogme de l’État hébreu, c’est de tout faire pour préserver la vie des Israéliens. On a ainsi vu Jérusalem libérer des centaines de prisonniers pour récupérer un soldat, voire seulement son corps.
Dans ce contexte, le gouvernement israélien a les mains liées ; il ne peut lancer l’opération massive contre Gaza qui aurait été sa réaction naturelle après une telle attaque sans se préoccuper du sort des otages. Je suis convaincu que le débat doit faire rage aujourd’hui à Jérusalem pour décider de quoi faire, notamment en termes de risques à faire courir aux otages. Une intervention terrestre semble inévitable, mais des combats en zone urbaine sont toujours périlleux, même si Tsahal en a l’expérience et a développé des tactiques pour y limiter ses pertes. Comme Benyamin Netanyahou l’a annoncé, la crise sera longue.


L’objectif du Hamas
À court terme se pose la question de son élargissement aux pays voisins. A priori, le Hezbollah, qui dispose d’un arsenal de milliers de roquettes, représente le seul danger pour Israël. Or, jusqu’ici, il laisse entendre qu’il ne veut pas se lancer dans une confrontation ouverte : il s’est contenté d’un communiqué de soutien au Hamas et de tirs non sur le territoire israélien, mais sur une zone contestée à la frontière, ce qui est le minimum qu’il pouvait faire. En restera-t-il là si les combats se poursuivent longtemps dans la bande de Gaza et si les médias en répercutent les inévitables lourdes pertes civiles ? Que décidera son parrain iranien ? Les souvenirs de 2006 sont encore vifs au Liban, où l’affrontement suscité par le Hezbollah avait coûté si cher à la population civile que son chef, Nasrallah, avait dû présenter des excuses à celle-ci. De son côté, l’Iran sait qu’il ne serait pas à l’abri d’une opération aérienne israélienne qui bénéficierait du soutien américain et de l’approbation muette des pays arabes du Golfe.

À moyen terme, c’est le rapprochement entre les pays arabes et Israël qui est menacé. C’est d’ailleurs probablement un des objectifs du Hamas au moment où la diplomatie américaine s’employait à compléter les accords dits d’Abraham entre, d’un côté, Israël et, de l’autre, le Maroc, les Émirats arabes unis et le Bahreïn par un autre avec l’Arabie saoudite. L’organisation islamiste et Téhéran ont un intérêt commun à arrêter un mouvement qui non seulement enterre la cause palestinienne, mais crée de facto une vaste alliance anti-iranienne. Les opinions publiques arabes, qui vibrent aujourd’hui à suivre et à applaudir les succès remportés par le Hamas, seront moins que jamais favorables à une normalisation avec l’État hébreu, et leurs dirigeants, si autoritaires qu’ils soient, seront obligés d’en tenir compte.

À plus long terme, chacun va affirmer que cette flambée de violence prouve que le statu quo est intenable et qu’il faut enfin résoudre le conflit israélo-palestinien. C’est d’ailleurs ce qu’on a déclaré après chaque affrontement autour de Gaza au cours de ces dernières années et rien n’est arrivé. Je ne vois hélas pas pourquoi il en irait différemment aujourd’hui. Les Israéliens, nourris des images des atrocités commises par le Hamas, ne seront pas disposés aux concessions que nécessiterait un règlement de paix ; les Palestiniens sont toujours aussi divisés et les Américains entrent en campagne électorale.

À moyen terme, c’est le rapprochement entre les pays arabes et Israël qui est menacé. C’est d’ailleurs probablement un des objectifs du Hamas au moment où la diplomatie américaine s’employait à compléter les accords dits d’Abraham entre, d’un côté, Israël et, de l’autre, le Maroc, les Émirats arabes unis et le Bahreïn par un autre avec l’Arabie saoudite. L’organisation islamiste et Téhéran ont un intérêt commun à arrêter un mouvement qui non seulement enterre la cause palestinienne, mais crée de facto une vaste alliance anti-iranienne. Les opinions publiques arabes, qui vibrent aujourd’hui à suivre et à applaudir les succès remportés par le Hamas, seront moins que jamais favorables à une normalisation avec l’État hébreu, et leurs dirigeants, si autoritaires qu’ils soient, seront obligés d’en tenir compte.

À plus long terme, chacun va affirmer que cette flambée de violence prouve que le statu quo est intenable et qu’il faut enfin résoudre le conflit israélo-palestinien. C’est d’ailleurs ce qu’on a déclaré après chaque affrontement autour de Gaza au cours de ces dernières années et rien n’est arrivé. Je ne vois hélas pas pourquoi il en irait différemment aujourd’hui. Les Israéliens, nourris des images des atrocités commises par le Hamas, ne seront pas disposés aux concessions que nécessiterait un règlement de paix ; les Palestiniens sont toujours aussi divisés et les Américains entrent en campagne électorale.

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