LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. La campagne française n’a tourné que sur des thèmes nationaux sans se préoccuper le moins du monde d’un sujet : l’Union européenne.
Les Européens sont donc appelés à élire leurs représentants au Parlement de Strasbourg. Voilà, me direz-vous, le grand moment démocratique qui conclut une campagne où ont dû être évoqués les grands thèmes qui définiront l’avenir de l’Union européenne. Ce fut sans doute l’occasion de transcender les frontières nationales pour conduire un débat à l’échelle de notre continent afin de résoudre, ensemble, les problèmes qu’affrontent tous les États membres.
Eh bien, non ! La campagne électorale est restée l’addition de campagnes nationales qui se sont déroulées autour de thèmes nationaux. Il est impossible d’en trouver un qui ait retenu l’attention de toutes les opinions publiques des 27. Les partis politiques à Strasbourg ne pourront se targuer d’aucun mandat véritablement européen de leurs électeurs. Nous avons eu confirmation qu’il n’existe pas aujourd’hui d’espace politique européen qui répondrait à une autre logique que celle de la culture et des intérêts de chaque État membre.
Mais le mal est encore plus profond dans la mesure où, même au niveau national, on peut se demander si les citoyens ont voté pour influer sur la politique européenne ou pour exprimer des frustrations et un mécontentement qui ont peu à voir avec celle-ci. L’élection resterait alors ce qu’elle a toujours été : une occasion offerte aux électeurs de se défouler, ce que leur permet l’absence apparente d’enjeux concrets, sur fond d’abstention massive. Autrefois, il y avait le Charivari où on conspuait le notable qu’on n’aimait pas ; aujourd’hui, il y aurait l’élection au Parlement européen. On proteste, et ça ne va pas plus loin.
Il faut dire que, comme pour les scrutins précédents, les candidats nous ont parlé de tout sauf de l’Union européenne et quand, ils se sont risqués à le faire, ils nous ont asséné, la plupart du temps, des approximations, voire des mensonges. On charge l’UE de tous les maux quitte à faire mine d’ignorer – ou réellement d’ignorer, ce qui est pire – que les décisions y sont prises par les États et que c’est à eux que les critiques devraient être adressées. Les faits importent peu : « Bruxelles » devient le bouc émissaire d’une époque troublée où le nationalisme relève la tête, à gauche comme à droite, comme le sont « Washington et Wall Street » aux États-Unis pour les trumpistes.