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Face à Trump, la Chine dégaine ses deux armes fatales

Ajoutez CHRONIQUE. Pékin ne pouvant pas céder au chantage de Donald Trump, le bras de fer ne fait que commencer entre l'Amérique et la Chine. Et il devrait provoquer nombre de dommages collatéraux.votre titre ici

La saga autour des droits de douane imposés par l’administration Trump à tous les pays du monde s’est conclue, mercredi 9 avril, par une trêve partielle qui a fait soupirer d’aise bourses, opinions publiques et gouvernements. On en était arrivé à un tel désarroi que l’annonce de droits de douane « réduits » à 10 % a été accueillie comme une bonne nouvelle. Les marchés financiers ont immédiatement reflété ce soulagement. Les sycophantes de Trump ont prétendu que cette volte-face faisait partie d’une stratégie géniale de leur grand homme en usant d’un vocabulaire exalté qui évoque de plus en plus la Corée du Nord. 

Cela étant, l’inquiétude est rapidement réapparue. Dès jeudi, l’indice NASDAQ de la bourse de New York, qui s’était redressé la veille, a de nouveau plongé de plus de 4 %. En effet, le verre qui paraissait mercredi à moitié plein dans l’euphorie du moment se révélait moins qu’à moitié vide tout compte fait. En premier lieu, les 90 jours accordés au reste du monde pour régler les différends commerciaux avec les États-Unis sont apparus pour ce qu’ils étaient : un délai artificiel et irréaliste.
Chacun sait qu’il est impossible non seulement de parvenir en un si court temps à un tel accord qui prend en général plusieurs années à être négocié, mais de surcroît de le faire avec des dizaines de pays en même temps. Nul ne peut donc prévoir ce qui se passera dans trois mois : une prolongation du délai, un retour aux droits de douane punitifs ou une vague déclaration d’intention qui permettrait à Trump de clamer victoire ? Voilà une incertitude majeure qui paralyse les décideurs économiques.
Mais le plus grave n’est pas là. L’imposition par les États-Unis de droits de douane de 145 % contre la Chine, qui a immédiatement répliqué, représente bel et bien une déclaration de guerre entre les deux plus grandes puissances économiques au monde. Les porte-parole de l’administration Trump nous expliquent que l’objectif stratégique du président est de briser la dépendance de l’économie américaine aux importations de ce pays. Ils ajoutent que les États-Unis ne peuvent que l’emporter, étant donné la vulnérabilité que représente pour leur adversaire l’excédent commercial de près de 300 milliards de dollars qu’il dégage dans ses échanges avec eux.
La Chine ne pourrait supporter une telle perte et devrait donc, tôt ou tard, passer par les conditions américaines. En matière de relations internationales, si la Chine cédait à un chantage aussi brutal et aussi ostensible, ce serait équivalent à la reconnaissance d’une vassalisation. Un pays se soumettrait publiquement aux exigences d’un autre, ce qui consacrerait une hiérarchie entre eux.
Un Munich économique, où la Chine jouerait le rôle de la Tchécoslovaquie… Il est donc d’entrée de jeu hors de question que Xi Jinping ne s’engage dans cette voie. Pékin ne capitulera pas. Ce qui signifie soit que nous entrons dans une confrontation de longue durée entre les deux pays, soit que Trump, comme il en a l’habitude, fera marche arrière.
Les deux armes de Pékin
Dans la première hypothèse, les experts ne partagent pas tous l’optimisme de la Maison-Blanche et pointent les multiples atouts dont dispose Pékin. Certes, le marché américain est important pour la Chine, mais il ne représente que 12,8 % de ses exportations. Sa fermeture lui imposerait des sacrifices substantiels mais le régime dispose de moyens idéologiques, policiers et financiers pour y faire face.
À cet égard, il pourrait galvaniser le nationalisme de la population, durcir son contrôle déjà étroit de l’opinion publique et recourir à ses substantielles réserves de change. Il pourrait montrer une plus grande résilience que la démocratie américaine où le bouleversement des chaînes de valeur risque d’entraîner inflation et chômage.
Par ailleurs, une économie centralisée est à même de réagir rapidement à une crise en modifiant ses approvisionnements et ses circuits d’échanges. Enfin, Trump a choisi de déclencher des hostilités avec toutes les économies du monde à la fois ce qui les jette inévitablement dans les bras de son adversaire. La présidente de la Commission européenne doit d’ailleurs se rendre prochainement à Pékin. 
Si le conflit devait se durcir, Pékin dispose de deux armes absolues : la détention de 760 milliards de dollars de bons du Trésor américains et la possibilité de dévaluer sa monnaie. Les événements de mercredi prouvent qu’une vente – même limitée – des premiers, conduit à une hausse substantielle des taux que doit payer le Trésor américain pour financer son déficit budgétaire : ils sont aujourd’hui plus élevés à trente ans que les taux grecs… C’est d’ailleurs sans doute la raison essentielle du recul de Trump. Quant à la seconde, elle induirait des tensions à la hausse du dollar qui affecteraient les exportations américaines. 

De tous ces éléments, ressortent à court terme l’incertitude qu’introduisent l’imprévisibilité et la brutalité de la politique de Trump dont va souffrir la croissance mondiale et à plus long terme l’inquiétude que peut susciter une crise majeure entre les États-Unis et la Chine, qui tôt ou tard s’étendrait inévitablement aux questions politiques, en particulier autour de Taïwan. « Quand les éléphants s’affrontent, l’herbe souffre », dit le proverbe africain.

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