Gérard Araud – Le scrutin qui donne des sueurs froides à Joe Biden
CHRONIQUE. Un républicain a réuni trumpistes et modérés pour être élu gouverneur de Virginie. Un mauvais présage pour le président en vue des élections de mi-mandat.
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victoire républicaine à l’élection du gouverneur de Virginie et les difficultés inattendues de celui du New Jersey pour se faire réélire dans cet État solidement démocrate sonnent comme un sombre avertissement pour le président Biden, à un an des élections législatives qui renouvelleront la Chambre et un tiers du Sénat en novembre 2022. La faible majorité à la Chambre et l’infime au Sénat que son parti détient aujourd’hui semblent menacées. Or, s’il perdait une des deux chambres, dans le climat radicalisé d’aujourd’hui, il serait paralysé dans son action. Ce serait dans les faits la fin de sa présidence.
Plus grave : nul ne peut dire que le scrutin de Virginie est seulement le résultat de causes personnelles ou particulières et ne constitue pas un test d’envergure nationale. Certes, le candidat démocrate était un politicien usé et la Virginie a souvent élu un gouverneur républicain, mais le vainqueur a réussi à réunir sur son nom les électeurs trumpistes et les modérés qui avaient donné la Chambre des représentants aux démocrates en 2018 par hostilité envers Trump. Le nouveau gouverneur Youngkin a ainsi prouvé qu’on pouvait les réconcilier et atteindre ainsi la majorité, ce qui pourrait donner des idées à d’autres candidats républicains l’année prochaine.
Un adversaire du « wokisme »
Comment a-t-il opéré ? En premier lieu, s’il s’est gardé de se recommander de Donald Trump, il a néanmoins lancé des signaux discrets en direction de l’extrême droite en faisant procéder à un audit des machines à voter, ce qui était une manière indirecte de se référer à la théorie du complot selon laquelle les élections présidentielles auraient été truquées. L’ancien président l’a d’ailleurs publiquement endossé. Dans le même temps, Youngkin s’est présenté comme un businessman soucieux avant tout d’efficacité et a su séduire les modérés par son insistance sur la question de l’enseignement alors que les écoles sont restées fermées pendant de longs mois.
Par ailleurs, il a su unir les uns et les autres en promettant d’expurger l’enseignement dans les écoles de l’État de toute référence aux théories accusées de culpabiliser les blancs du traitement qu’ont infligé leurs ancêtres aux minorités. Il a su jouer ainsi du malaise des classes moyennes blanches face à l’offensive du « wokisme », particulièrement actif dans un État qui a abrité la capitale de la Confédération pendant la guerre de Sécession et où, ces derniers temps, les démocrates n’ont eu de cesse d’en effacer les traces en abattant de nombreuses statues.
Or, selon des modalités différentes, ces questions se présentent dans tout le pays, que ce soit au Sud pour la mémoire de l’esclavage ou ailleurs pour la promotion des minorités ethniques ou sexuelles ou l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces combats, dont la grande majorité de la population reconnaît la légitimité, prennent parfois des aspects caricaturaux que les médias républicains mettent systématiquement en exergue. Les universités offrent, à cet égard, un florilège riche d’anecdotes où le ridicule le dispute à l’odieux aux dépens de la culture traditionnelle ou des étudiants blancs. Soudain, les Blancs se sentent critiqués pour des motifs dont ils ne se sentent pas personnellement responsables. Nulle surprise qu’ils ne renâclent et se tournent vers les républicains, qui alimentent leurs peurs et condamnent ces dérives.
De son côté, l’administration Biden a ajouté récemment une impression d’impuissance et d’une certaine incompétence. Impuissance d’abord à faire voter par son propre parti les plans de rénovation des infrastructures et de progrès social que le président avait annoncés au cours de sa campagne électorale. Les ailes modérée et progressiste du parti Démocrate se déchirent à un tel point que l’intervention de Joe Biden lui-même n’a pas permis de sortir de l’impasse. Incompétence aussi qu’a illustrée la débâcle de Kaboul et que risque de confirmer l’incapacité à revenir dans l’accord nucléaire avec l’Iran.
Enfin, il faut évoquer le sentiment que donne Biden d’être plein de bonne volonté, mais de manquer du dynamisme qu’on attend d’un président. C’est un homme âgé qui le montre. Ses adversaires le soulignent cruellement jusqu’à le traiter d’ « hologramme ». Autour de lui, son équipe ne convainc pas ou pas encore.
Trump reste un repoussoir
Rien n’est évidemment perdu pour les démocrates. Il ne sera pas toujours facile pour les républicains de résoudre la quadrature du cercle en réunissant trumpistes et modérés dans un parti solidement aux mains des premiers. Trump reste un repoussoir et ne veut pas s’effacer. Cela étant, il faut également que les démocrates tirent les bonnes leçons de leur défaite en Virginie entre ceux qui jugent que le parti est allé trop à gauche et les autres pas assez et n’y trouvent pas une nouvelle occasion d’étaler leurs divisions.
Ils doivent enfin permettre au président de faire voter les deux plans de relance budgétaire qu’il a promis, même rabotés. Sinon, il y a peu de chance qu’il ne convainque les électeurs de lui donner une majorité en 2022 puisqu’il n’aurait su rien faire de celle qu’il détient aujourd’hui.
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