You are currently viewing Gérard Araud : Poutine a montré son vrai visage

Gérard Araud : Poutine a montré son vrai visage

23 février 2022 : Gérard Araud – Poutine a montré son vrai visage
Sur l’Ukraine, comme sur les autres sujets, l’Occident a tenté jusqu’au bout de négocier avec le chef du Kremlin. Mais « il faut être deux pour danser le tango ».

En France, on nourrit pour la Russie un sentiment volontiers fait d’admiration pour la culture, d’amitié pour le peuple et d’aspiration à une entente politique jusqu’à créer un terreau pro-russe qui surprend souvent les observateurs étrangers. « Il faut parler à la Russie » devient aisément une antienne aussi bien à gauche qu’à droite et, en ce moment, en particulier aux deux extrêmes du spectre politique.

Or, « parler à la Russie », le président de la République a essayé de le faire dès son élection en invitant Poutine à Versailles pour l’exposition consacrée à Pierre le Grand puis, l’année suivante, au fort de Brégançon. Il a eu de multiples conversations téléphoniques avec lui au cours de ces années et, ces derniers jours, nous l’avons vu, il n’a pas épargné ses efforts pour trouver une issue pacifique à la crise que la Russie a suscitée aux frontières de l’Ukraine. Les Américains disent : «  It takes two to tango  » (Il faut être deux pour danser le tango) ; Poutine n’a voulu danser le tango ni avec Emmanuel Macron ni avec aucun chef d’État et de gouvernement occidental, que ce soit la chancelière Merkel aussi russophone qu’il est germanophone ou Joe Biden. Pourtant, Allemands et Français sont vus avec méfiance par certains Européens pour être trop enclins à faire des concessions envers la Russie ; quant au président américain, tout à son pivot vers l’Asie, il ne nourrissait aucun dessein hostile à l’égard de ce pays.

Le monde a donc « parlé à la Russie ». En vain. Occupation de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en 2008, annexion de la Crimée en 2014, soutien militaire aux séparatistes du Donbass depuis lors, mais aussi assassinats à répétition d’opposants à l’étranger, vastes attaques informatiques et maintenant reconnaissance des prétendues républiques du Donbass ont été autant de réponses à ces tentatives de dialogue. Qu’en conclure ?

Le « réformiste » et le « révisionniste »

Dans sa thèse de doctorat, Henry Kissinger, le futur secrétaire d’État de Nixon, distinguait, en politique étrangère, deux types de dirigeants : le « réformiste », qui essaie d’améliorer la situation géopolitique de son pays, et le « révisionniste », qui tente de bouleverser l’équilibre géopolitique du monde qu’il n’accepte plus. Il en déduisait qu’on pouvait négocier avec le premier, mais qu’il fallait résister au second. Il ajoutait que les démocraties, lorsqu’elles sont habituées à une longue période de paix, ont tendance à refuser de voir que leur interlocuteur n’est pas un « réformiste » auquel on peut faire des concessions, mais un « révisionniste » qui n’y verra que faiblesse et incitation à demander plus.

Après son étrange discours du 21 février, annonçant la reconnaissance des républiques séparatistes, le moment est venu de juger que Poutine, qui a qualifié la chute de l’URSS de « la plus grande catastrophe géopolitique de l’Histoire » et qui a signé, en juillet, un long article qui nie l’existence de l’Ukraine, est bel et bien un « révisionniste » qui entend revenir sur l’effondrement de l’Empire soviétique. Sa lecture paranoïaque et victimaire de l’Histoire récente conduit à tout justifier pour en pallier les effets. L’Otan n’est qu’un fétu de paille dans ce ressassement obsessionnel où ne figure aucune ouverture vers l’avenir ou vers la coopération internationale.

La France et d’autres pays, notamment l’Allemagne, ont tout fait pour maintenir le dialogue avec la Russie. Elle doit continuer à le faire, mais il faut également tirer toutes les conséquences d’un révisionnisme qui menace l’équilibre et la sécurité de l’Europe, en combattant les entreprises de déstabilisation russes à l’intérieur, en améliorant notre sécurité informatique et en apportant tout notre soutien à nos alliés et partenaires qui sont en première ligne en Europe du Nord et de l’Est.

Si vous souhaitez organiser une conférence avec Gérard Araud, contactez Jean-Michel Dardour au 06 88 09 09 79.