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Quel destin pour Donald Trump : la Maison-Blanche ou la prison ?

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LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. La justice américaine tente de rattraper l’ancien président avant la prochaine élection.

Toute bonne série américaine passe à un moment ou à un autre par le prétoire. La campagne électorale qui s’ouvre n’y manquera pas, tout au contraire. En effet, jamais un candidat en voie d’obtenir la nomination de son parti n’a fait l’objet de quatre-vingt-onze chefs d’accusation au civil comme au pénal devant des juridictions au niveau fédéral et dans plusieurs États.

C’est le cas de Donald Trump qui devra, dans les mois qui viennent, à la fois, conduire sa campagne et comparaître devant les tribunaux. Un fait est certain : il sera condamné dans une ou plusieurs de ces affaires tant sa culpabilité y est évidente. La question porte sur la date où seront rendus ces verdicts, avant ou après le scrutin du 5 novembre et sur les effets qu’ils peuvent éventuellement avoir dans le premier cas sur le choix de l’électeur.

Ce qui est le plus frappant dans toutes ces affaires, c’est la manière dont Trump, à chaque fois, s’est littéralement jeté de lui-même dans la gueule du loup. Il viole la loi avec une ostentation déconcertante, s’entoure de pieds nickelés qui en rajoutent dans la maladresse et fait appel à des avocats dont l’ignorance stupéfie le juge.

Des mensonges déconcertants
De même que lorsqu’il ment, on a l’impression qu’il croit en ce qu’il dit, il paraît sincèrement convaincu soit d’avoir la loi de son côté soit de ne pas y être soumis lorsqu’il commet une évidente illégalité. C’en est parfois incroyable, comme lorsqu’il accable d’insultes une femme après avoir été reconnu coupable au civil de l’avoir violée. Elle porte évidemment plainte pour diffamation et se voit reconnaître par un jury 83 millions de dollars de dommages et intérêts.

Le voilà parti de la Maison-Blanche avec 13 000 documents officiels dont plusieurs centaines de confidentiels qu’il aurait dû laisser derrière lui et qu’il installe dans une salle de bains de Mar-a-Lago. Loin de faire amende honorable quand le FBI s’en inquiète, il tente de les dissimuler de la manière la plus maladroite possible, ajoutant ainsi un crime à un autre. On est plus dans La Panthère rose que dans James Bond…

Au tribunal, il joue souvent contre son propre camp par ses déclarations intempestives aux dépens du juge ou des témoins. À ce niveau, le narcissisme qui conduit à ne jamais reconnaître son erreur en devient pathologique.

Un labyrinthe juridique attend Trump… et ses observateurs
Quoi qu’il en soit, comment voir clair dans ce labyrinthe juridique ? Écartons d’abord la décision de la Cour suprême du Colorado qui a disqualifié la candidature de l’ex-président pour son association avec l’émeute du 6 janvier 2021. La Cour suprême fédérale devrait l’annuler.

En ce qui concerne les affaires proprement judiciaires, le procès au fédéral de Miami sur la rétention des documents officiels n’aura probablement pas lieu avant novembre. La juge, nommée par Trump lui-même, s’y emploie. En Géorgie, où la justice de l’État accuse l’ancien président et ses complices d’avoir essayé de circonvenir les autorités locales chargées du résultat des élections de 2020 pour lui donner la victoire, la complexité du dossier devrait là aussi retarder les audiences après le scrutin.

Au pénal restent deux procès, l’un de l’État de New York et l’autre fédéral à Washington, qui pourraient, en revanche, se tenir dès cet été. Le premier porte sur la falsification des comptes de campagne en 2016 en vue de dissimuler un versement de 130 000 $ pour acheter le silence d’une prostituée aux services de laquelle il avait recouru.

Ce qui est incriminé, c’est le faux et non l’argent. Le juge démocrate qui veut aller de l’avant le plus rapidement possible a fixé la première audience au 25 mars. La peine peut aller jusqu’à quatre ans de prison. La menace la plus sérieuse provient cependant du cas fédéral de Washington où Trump est accusé d’avoir incité les émeutiers du 6 janvier à s’attaquer au Congrès, de n’avoir rien fait pour protéger celui-ci et d’avoir, ce jour-là, fait pression sur le vice-président pour obtenir qu’il ne reconnaisse pas l’élection de Biden.

Il y aura au moins deux procès pour Donald Trump en 2024
Les avocats de Trump, qui comprennent le sérieux de l’affaire, font de leur mieux pour retarder le procès en invoquant une prétendue immunité d’un président en exercice et en jouant de tous les artifices de procédure. Ils jouent la montre et ont déjà réussi à reporter la première audience initialement prévue le 4 mars. En tout état de cause, durant la campagne électorale, le candidat républicain devra donc répondre de ses actes à New York et sans doute également à Washington.

Une condamnation pénale de Donald Trump avant le 5 novembre est possible. Quel effet aurait-elle non sur les électeurs trumpistes qui n’y verraient que persécution de leur Grand Homme mais sur les Républicains modérés dont on connaît, par ailleurs, les sentiments mitigés à son égard ? Il semble que certains pourraient alors changer leur vote mais nul aujourd’hui ne peut prévoir l’ampleur du phénomène.

Si Trump est battu, il ira donc probablement en prison. S’il est élu, il pourra se gracier lui-même comme il l’a déjà annoncé si la Cour suprême endosse une si étrange procédure. Il se laverait ainsi des poursuites devant les tribunaux fédéraux mais pas devant ceux des États de Géorgie et de New York. Le feuilleton se poursuivra alors avec la perspective d’une éventuelle condamnation à la prison d’un président en exercice.

LE POINT

Ancien ambassadeur aux États-Unis, aux Nations unies et en Israël, Gérard Araud est l’un des diplomates français les plus réputés au monde. Auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux affaires internationales (Passeport diplomatique, Grasset, 2019 – Henry Kissinger : le diplomate du siècle, Tallandier, 2021 – Histoires diplomatiques : leçons d’hier pour le monde d’aujourd’hui, Grasset, 2022 – Nous étions seuls : une histoire diplomatique de la France 1919-1939, Tallandier, 2023) il tient une chronique hebdomadaire dans Le Point depuis 2019.