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Si l’Amérique votait aujourd’hui, Trump serait probablement élu

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Si l’Amérique votait aujourd’hui, Trump serait probablement élu LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. Malgré un bon bilan économique et une gestion prudente des guerres en Ukraine et au Proche-Orient, Joe Biden ne parvient pas à distancer son rival dans les sondages. Par Gérard Araud

Une campagne électorale américaine, c’est aussi passionnant qu’une série télévisée réussie. Suspense et sociologie se mêlent harmonieusement pour vous faire découvrir une société tout en savourant une bonne intrigue. Une première saison consacrée à l’élection du président de la Chambre nous a été généreusement offerte par le Parti républicain, qui détient la majorité dans cette assemblée et qui, à ce titre, pouvait gérer ses désaccords derrière des portes closes. Pour notre plus grand plaisir, il a préféré les étaler au grand jour : il s’est d’abord débarrassé du titulaire, accusé d’être « modéré », en réalité pas assez trumpiste, par l’aile droite du parti.
Faire de Kevin McCarthy un mou serait comique si ce n’était pas le reflet de la radicalisation de la droite américaine. Puis les partisans de l’ancien président ont essayé de pousser leur homme, Jim Jordan, un extrémiste au front bas qui a frôlé la victoire, pour enfin imposer un autre de leurs candidats, Mike Johnson. Pour résumer le vainqueur, il suffit de citer sa réponse à une question sur ses orientations politiques : « Ouvrez la Bible. » Tout y passe, depuis sa condamnation non seulement du mariage gay mais des relations homosexuelles en elles-mêmes qu’il faudrait interdire, jusqu’à son vote pour refuser de reconnaître la victoire de Joe Biden en 2020.
Face à un Parti républicain où l’emprise de Trump se confirme de jour en jour, les nuages s’accumulent sur Joe Biden, malgré un bilan que l’on qualifierait de bon dans toute autre circonstance. Qu’on en juge : la croissance au troisième trimestre 2023 a atteint un rythme annuel de 4,9 %, dont il y a peu d’exemples dans l’histoire des États-Unis, alors même que tous les économistes annonçaient une récession depuis un an. Cette réalité, enthousiasmante en toute autre période, n’empêche pas les trois quarts des Américains de penser que leur pays qui est au plein-emploi est effectivement en récession et de désapprouver la politique économique de l’administration. Il en va de même en politique étrangère, où, pourtant, peu d’experts critiquent la gestion de la guerre en Ukraine et aujourd’hui celle de la crise au Moyen-Orient. Dans les deux cas, Biden a su conjuguer fermeté et retenue pour éviter le pire. Rien n’y fait : il a perdu onze points dans les sondages chez les démocrates au cours des dix derniers jours.
Un wokisme plus agressif qu’en Europe
Dans ce domaine, deux facteurs sont à retenir. Le premier porte sur un sentiment enraciné à droite comme à gauche que les États-Unis doivent réduire leurs engagements internationaux. En annonçant, dans un discours récent, que les événements du monde prouvaient que les États-Unis ne pouvaient pas se contenter d’un néo-isolationnisme auquel il avait paru se rallier en retirant les troupes américaines d’Afghanistan, en affirmant que ce serait ouvrir la porte au désordre du monde, Joe Biden a semblé renouveler un interventionnisme dont ne veut pas un nombre croissant d’Américains. Le chiffre de 100 milliards de dollars supplémentaires consacrés à l’Ukraine et à Israël n’a pas aidé dans les profondeurs d’un pays où les infrastructures publiques sont souvent défaillantes.
Par ailleurs, la confrontation autour de Gaza a révélé à quel point la gauche démocrate s’est éloignée d’Israël. Elle éprouve un profond ressentiment à l’égard d’un président qui paraît soutenir de manière inconditionnelle ce pays au milieu des bombardements du territoire palestinien. Plus l’opération israélienne se poursuit, plus cette colère grandira. Se rallument ainsi les réticences de la gauche envers un président solidement centriste. Si les militants républicains penchent toujours plus à droite, le mouvement symétrique vers la gauche est perceptible chez les démocrates, où se généralise un wokisme beaucoup plus agressif et plus actif que ce que nous connaissons en Europe
Enfin, comment ne pas se référer aux images qu’offre quotidiennement Joe Biden, dont la voix faible, le visage figé, les yeux plissés, la démarche hésitante, les propos parfois décousus évoquent beaucoup plus un grand-père sur la mauvaise pente que le « commandant en chef » de la première puissance au monde ? Les sondages les plus récents confirment les questions que soulève sa candidature désormais acquise à moins de trois mois des premières primaires (de l’Iowa, le 15 janvier). Ils mettent les deux candidats au coude à coude au niveau national, ce qui est déjà mauvais pour les démocrates dans la mesure où le collège électoral leur impose, pour l’emporter, de distancer leur adversaire de trois ou quatre points au minimum. Par ailleurs, dans les États dits « Swing States », qui, en général, font l’élection par leur aptitude à voter républicain ou démocrate selon les scrutins, Trump est partout largement en tête. Enfin, seulement un quart des 18-25 ans, une tranche d’âge normalement très hostile à Trump, annonce une décision fermement prise de voter pour Bide

Nous sommes encore à un an du scrutin. Les démêlés judiciaires de Trump vont se multiplier au cours des mois qui viennent ; les crises internationales vont suivre leur cours ; la campagne électorale va peser. Rien n’est donc joué, ce qui implique également que rien n’est exclu. En tout cas, si le scrutin avait lieu aujourd’hui, je pense que Trump serait probablement élu.

 

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