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Pourquoi les provocations de Musk sont plus alarmantes que celles de Trump ?

Si les visées du président élu sur le Canada peuvent relever de la tactique, le soutien d’Elon Musk à l’extrême droite européenne doit inquiéter.

Avouons que nous sommes sidérés et incrédules : d’un côté, Donald Trump, l’homme destiné à être le plus puissant au monde dans dix jours, annonce son intention de mettre la main sur le canal de Panama et le Groenland, y compris par la force si nécessaire, et d’annexer le Canada ; de l’autre, son futur lieutenant, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, se lance dans une croisade contre le chancelier d’Allemagne et le Premier ministre du Royaume-Uni pour obtenir la défaite électorale du premier et le départ du second, dans les deux cas au profit de l’extrême droite. On se pince pour vérifier que ce n’est pas un cauchemar, on rit jaune, on hausse les épaules ou on s’affole.

Je vais essayer d’analyser ces événements proprement stupéfiants sur la base de ma connaissance des deux hommes, que j’ai eu l’occasion de côtoyer lorsque j’étais ambassadeur de France à Washington. Je peux me tromper.

En ce qui concerne Trump, son premier mandat peut nous servir de guide. Pas un jour, au cours de ces quatre années, sans une déclaration fracassante, ce qui lui permettait de dicter le programme des médias. Les uns le défendaient, les autres – la majorité – s’indignaient ou argumentaient contre lui ; tous réagissaient.

En ce qui concerne Trump, son premier mandat peut nous servir de guide. Pas un jour, au cours de ces quatre années, sans une déclaration fracassante, ce qui lui permettait de dicter le programme des médias. Les uns le défendaient, les autres – la majorité – s’indignaient ou argumentaient contre lui ; tous réagissaient.

Le précédent de l’Otan
Il y avait aussi de la tactique dans ces excès oratoires : Trump demandait beaucoup à ses interlocuteurs interloqués et inquiets, pour les contraindre ensuite à des concessions moindres. En effet, sur le fond, l’homme est assez accommodant pourvu qu’il puisse se proclamer vainqueur.

Il avait ainsi menacé de quitter l’Otan, avant de se contenter d’une augmentation limitée et un peu cosmétique du budget de la défense de certains alliés. Le Canada et le Danemark n’ont donc pas nécessairement besoin de se préparer au pire, mais ils risquent de devoir céder sur ce qui serait l’objectif réel de Trump : un rééquilibrage commercial pour le premier, l’accès aux ressources minières du territoire pour le second.

Ce serait une interprétation « optimiste » des déclarations récentes. Nous verrons si elle se confirme mais, même dans ce cas, elle laisse prévoir une politique étrangère brutale, unilatérale et isolationniste, puisqu’il s’agirait de tordre le bras de deux des alliés les plus proches des États-Unis. Notre tour viendra, d’ailleurs : dans la même conférence de presse, Trump a quasiment annoncé qu’il lancerait une guerre commerciale contre l’Union européenne pour combler le déficit commercial transatlantique.

À cet égard, la réaction des Européens conduit à une autre remarque. Les relations internationales, en particulier entre les pays occidentaux, obéissent à des règles de bienséance implicites. On ne se menace pas, on ne s’apostrophe pas, on ne dit pas n’importe quoi ; on croit au dialogue. Trump n’en a que faire. Il piétine allègrement ces usages, ce qui laisse sans voix ses interlocuteurs.

Que peuvent-ils faire ? Du Trump ? Mais personne ne les suivrait, n’y voyant qu’un rôle de composition. Le prendre au sérieux ? Ce serait tomber dans son piège d’une dramatisation où il aura toujours le dernier mot du fait de sa brutalité et de sa puissance. Se taire ? C’est sans doute le meilleur choix, mais les opinions publiques risquent de les accuser de faiblesse.

Musk ou la stratégie du chaos
Le cas de Musk est plus difficile à analyser. Non seulement il devient le chantre de l’extrême droite européenne, mais il le fait de manière obsessionnelle et virulente à coups de centaines de tweets, où il aligne sans honte les plus évidentes contrevérités. X (ex-Twitter), la plus grande plateforme au monde, est devenue, depuis qu’il l’a acquise, un cloaque où s’ébrouent haine, racisme, théories du complot et désinformation – le tout au nom de la liberté d’expression.

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