13 septembre 2021 – « La nouvelle claque des États-Unis à la France » selon l’ancien ambassadeur.
Pour Gérard Araud, l’ancien ambassadeur de France à Washington, les États-Unis ont entamé un virage dans leur politique étrangère. Leur influence dans la décision australienne de rompre le contrat qui la liait à la France en est l’illustration.
Gérard Araud a passé de nombreuses années aux États-Unis pour le compte du gouvernement français. L’ex-ambassadeur de France à Washington (2014-2019). Le diplomate interviendra au forum mondial Normandie pour la paix, à Caen, jeudi 30 septembre 2021.
L’Australie a rompu son contrat avec la France portant sur la construction de sous-marins. Comment analysez-vous le rôle des États-Unis dans cette affaire ?
Des bruits ont commencé à se faire entendre ces dernières semaines mais tout le monde a été surpris par l’annonce et la manière dont tout ceci s’est fait. À l’évidence, ils ont négocié dans le dos de la France depuis des mois. Pour arriver à ce genre de décision, il est évident que cela n’a pas été décidé au cours des dernières semaines. Il y aura des leçons à tirer. Il y a une logique de rivalité, de concurrence. Quand nous avions obtenu ce contrat, les États-Unis ne nous soutenaient pas, ils étaient aux côtés du Japon. Ils ont essayé et ont finalement réussi à vendre leurs marchandises aux Australiens. Les Américains se tournent vers l’Asie avec leur brutalité habituelle et une indifférence vis-à-vis de l’Europe. Ils cherchent à contenir la puissance chinoise par tous les moyens.
« On se dit qu’Obama, Trump ou Biden, c’est la même chose »
Quelles conséquences sur les relations franco-américaines ?
Les Américains n’ont pas consulté la France dans leur sortie de l’Afghanistan, ils nous infligent, avec cette rupture, une autre claque. Il faut s’interroger sur leur décision de ne pas nous inclure dans les discussions. On arrive à se dire qu’Obama, Trump ou Biden c’est un peu la même chose. C’est un pays qui est totalement indifférent aux intérêts de ses alliés. C’est plus pratique pour eux de travailler avec l’Australie et la Grande-Bretagne qui accepteront leurs rôles de subordonnés. L’alliance « Five Eyes » (l’alliance des services de renseignements des trois pays avec le Canada et la Nouvelle-Zélande) permet des échanges de confidentialité, une coopération sur des équipements secrets. Ils n’ont pas ça avec les Français. Paris va devoir réviser ses positions avec les États-Unis. Il faut le comprendre. Nous n’avons pas à entrer en guerre avec la Chine, mais nous pouvons être alliés sans l’être vraiment. À l’instar du Général de Gaulle avec l’URSS, face à la Chine il faut peut-être inventer un gaullisme du XXIe siècle.
Si vous souhaitez organiser une conférence avec Gérard Araud, contactez Jean-Michel Dardour au 06 88 09 09 79.