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12 octobre 2021 – Le Point – Gérard Araud

Eric Zemmour, le Donald Trump français, vraiment ?

Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis qui a cotoyé Donald Trump analyse les ressorts de la progression d’Eric Zemmour.

L’élection présidentielle française d’avril 2022 se déroulera alors que toutes les démocraties occidentales font face, à des degrés divers, à la même rébellion d’une partie de leurs électeurs. Certes, chaque pays conserve ses spécificités nationales, mais, partout, les élites sont conspuées, l’immigration accusée de tous les maux, le libre-échange contesté, l’État de droit critiqué et les questions identitaires privilégiées par rapport aux revendications économiques. Nationalisme, protectionnisme et autoritarisme remettent en cause les acquis d’une démocratie libérale où certains voyaient encore récemment la fin de l’Histoire.

 

En juin 2016, le Brexit fut le premier coup de tonnerre qui annonçait ces temps nouveaux ; quelques mois plus tard, ce fut l’élection de Donald Trump et ensuite celle de Boris Johnson. Malgré les différences de leur personnalité, leur succès repose sur la même capacité à réunir les conservateurs classiques qu’ils rassurent par leurs origines sociales et tous ceux qui, au sein des classes populaires et la classe moyenne inférieure, jugent qu’ils ont été les victimes d’une globalisation que sont accusées de prôner les élites. C’est là l’équation gagnante du populisme. Nulle surprise que l’objectif d’Éric Zemmour soit de la rééditer en France.

 

Comment y parvenir ? La campagne présidentielle américaine de 2016 lui fournit des pistes qu’il pourrait adapter au contexte français. Elle a illustré à quel point une candidature populiste doit trancher par rapport aux usages que respectent les politiciens traditionnels. En effet, ce qui mobilise les soutiens d’un candidat populiste, ce ne sont pas tant ses propositions que la certitude qu’il gouvernera « différemment » de ce que veulent les élites abhorrées. Ainsi, alors que les observateurs concluaient que les excès de langage de Trump condamnaient sa candidature, ceux-ci prouvaient, au contraire, aux yeux des électeurs, qu’il n’appartenait pas à un système qu’ils vomissaient. Plus les élites s’indignaient, plus ils l’aimaient dans la conviction que ces hauts cris prouvaient qu’il était de leur côté. Plus il tenait un discours apocalyptique, plus ils y voyaient la confirmation de la légitimité de leurs angoisses. Les révoltés américains avaient trouvé un chef.

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Gérard Araud pour Le Point

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