Gérard Araud – la France, un bouc émissaire idéal pour Boris Johnson

CHRONIQUE. Le Premier ministre britannique tente d’imputer à Paris les conséquences du Brexit, quitte à susciter une crise de toutes pièces avec l’Union européenne.

n n’associe pas facilement le Royaume-Uni, sa monarchie, son respect des traditions et ses ancestrales institutions démocratiques avec les excès du populisme. Le milliardaire vulgaire et inculte qu’est Trump paraît, à première vue, avoir peu en commun avec l’ancien élève d’Eton et de Cambridge qui peut réciter l’Iliade dans le texte grec qu’est Boris Johnson. Pourtant, les deux hommes représentent, chacun selon le génie particulier de son pays, la même politique en rupture avec les usages de la démocratie libérale. Ils ont senti la révolte qui agitait leurs concitoyens et ont réussi à la canaliser à leur profit.

Outre-Manche, Boris Johnson avait compris que le débat sur le Brexit dépassait de beaucoup la question de l’appartenance à l’Union européenne et concentrait toutes les peurs d’une société britannique inquiète pour son identité et son avenir. Face à des élites qui, après le référendum, essayaient de minimiser les conséquences d’une sortie de l’UE, qu’elles n’approuvaient pas, il s’est imposé comme le chef des « durs » au sein du Parti conservateur jusqu’à y prendre le pouvoir et devenir Premier ministre. Il ne pouvait alors faire moins que négocier un « Brexit dur » qui prouve que le Royaume-Uni avait pleinement recouvré sa souveraineté grâce à lui en réduisant au minimum les liens que conserve celui-ci avec l’Union européenne. Victoire symbolique dont le seul tort est d’ignorer le fait que l’économie britannique a noué, depuis son entrée dans l’Union, des liens multiformes avec les autres pays membres, qui absorbent plus de quarante pour cent de ses exportations ; liens que l’accord dénoue brutalement. Le moment est venu pour l’économie britannique d’en payer le prix.

Le Point