CHRONIQUE. Toute la politique européenne du président français réélu doit être guidée par la guerre en Ukraine, son déroulement et ses conséquences.
Les capitales européennes ont appris avec soulagement la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle.
Ce n’est pas au moment où notre continent connaît le retour de la guerre qu’elles allaient accueillir avec le sourire l’arrivée d’une présidente française sans aucune expérience gouvernementale qui, de surcroît, annonçait vouloir bouleverser le fonctionnement de l’Union européenne et envisager un rapprochement avec l’agresseur russe. Au moment où l’Allemagne hésite, du fait de sa dépendance gazière à la Russie, et se révèle incapable de dégager une ligne claire dans ce conflit, il aurait été catastrophique que la France en fasse autant. Le risque était grand d’une rupture, peut-être fatale, au sein de l’UE.
En tout cas, il est clair qu’en 2022, en ce qui concerne l’UE, Emmanuel Macron est, par la force des choses, loin des ambitions réformatrices qu’il affichait en 2017 dans le discours prononcé à la Sorbonne. Aujourd’hui, tout est dominé par un seul sujet : la guerre en Ukraine, dans son déroulement et dans ses conséquences. En effet, Emmanuel Macron va devoir se livrer à un véritable exercice de funambulisme pour maintenir l’unité de nos partenaires européens. Il est le seul à pouvoir le faire non seulement parce que jusqu’à la fin juin, la France préside le Conseil de l’UE, mais aussi parce que la France tient au sein de cette organisation une position d’équilibre entre les va-t-en-guerre et les autres.
Les premiers, conduits par la Pologne, refusent toute perspective de négociation avec Poutine et appellent aux sanctions les plus larges contre la Russie, y compris dans le domaine de l’énergie ; les autres, parmi lesquels figure l’Allemagne, apparaissent plus hésitants même si aucun n’a encore rompu la solidarité remarquable qu’a montrée jusqu’ici l’Union dans l’épreuve. La France se tient sur la ligne de crête entre ces deux blocs. Emmanuel Macron a su rester aux côtés de l’agressé, ce dont témoignent ses excellentes relations avec le président Zelensky, qui a été un des premiers à le féliciter pour sa réélection. En témoigne la livraison prochaine par la France d’artillerie lourde à l’Ukraine. Mais, il a su également ne pas rompre le contact avec Poutine dans l’espoir de contribuer à un règlement de paix le moment venu. Ce genre de positionnement est toujours délicat. Pourtant, c’est le seul espoir de mettre fin à la dévastation de l’Ukraine. Le jeu en vaut largement la chandelle même si l’espoir d’un succès est mince.
Défense, agriculture, énergie…
Ukraine encore lorsque le président réélu voudra revenir sur l’objectif qui est le sien comme celui de ses prédécesseurs de promouvoir la défense européenne. Le conflit a bouleversé les termes du débat en rendant à l’Otan la centralité qu’elle avait perdue pour la sécurité du continent. Tous nos partenaires se tournent vers cette organisation où ils voient la seule garantie contre les entreprises russes. Rien ne pourra donc être accompli dans le domaine de la défense dans le cadre de l’UE si ce n’est fait en étroite coopération avec l’Alliance. Emmanuel Macron devra faire preuve du pragmatisme et de la flexibilité nécessaires pour adapter ses ambitions à ces nouvelles réalités.
Ukraine toujours dans la mesure où l’UE se sentira moralement et politiquement obligée d’offrir une perspective d’adhésion à ce pays martyr afin de lui montrer notre solidarité et de contribuer à le stabiliser. C’est rouvrir le dossier délicat de l’élargissement de l’Union, en particulier dans les Balkans. Délicat parce que les candidats potentiels, y compris l’Ukraine, représenteraient un fardeau financier qui risquerait de remettre en cause l’ensemble du fonctionnement actuel de l’Union, délicat aussi parce que les institutions de l’UE déjà lourdes à 27 États membres seraient quasi paralysées à 30 ou plus.
Ukraine enfin parce que la guerre oblige à revoir les politiques agricole et énergétique de l’Union. Au moment où elle risque de plonger de nombreux pays dans une crise alimentaire majeure et souligne ainsi la fragilité de notre planète dans ce domaine, il apparaît paradoxal, voire immoral, que l’Union pour sa part s’engage dans la réduction sensible de sa production au nom de considérations environnementales qui suscitent d’ailleurs de nombreux débats comme elle s’y apprêtait. En ce qui concerne l’énergie, la nécessité de réduire, voire de supprimer la dépendance du continent envers la production gazière russe conduit à une révision générale de l’approvisionnement européen. Ce qui a de multiples conséquences, des terminaux de gaz liquéfié au réseau de gazoducs sans oublier la question toujours sensible chez certains de nos partenaires de l’énergie nucléaire.