CHRONIQUE. Chez les républicains, Donald Trump ne fait plus l’unanimité, tandis que côté démocrate, la santé du président est source d’inquiétude en vue de 2024.
Comme je l’ai écrit dans ma dernière chronique, les résultats médiocres des élections à mi-mandat ont rallumé les polémiques au sein du Parti républicain entre conservateurs classiques et trumpistes.
Les premiers sont convaincus que l’ancien président serait, de nouveau, battu en 2024 et vont donc tout faire pour le convaincre de se retirer ou, à défaut, pour l’éliminer à l’occasion des primaires de leur parti.
Mais, si à droite, tout tourne autour de Donald Trump, chez les démocrates, existe un problème symétrique qui s’appelle Joe Biden. En effet, les anecdotes se multiplient sur ses absences et ses gaffes. Et d’apostropher ici une élue alors qu’elle est décédée, confondre Colombie et Cambodge, Ukraine et Irak au point que certains mettent en cause ses capacités cognitives.
Il n’est pas rare qu’à la fin d’un discours, il apparaisse comme égaré, cherchant pendant quelques secondes où il est. Il suffit de le voir se déplacer pour conclure qu’octogénaire ce 20 novembre, c’est un vieux monsieur qui montre ses fragilités. D’ailleurs, les programmes de ses voyages à l’étranger comportent de longues plages d’inactivité sans doute consacrées à son repos.
« Papy »
Déjà, en 2020, face à la bête de scène qu’est Donald Trump, il avait indéniablement bénéficié du confinement du Covid qui lui avait permis de limiter le nombre de ses apparitions publiques. Qu’en serait-il alors en 2024 ? Nulle surprise que les deux tiers des Américains préféreraient qu’il ne se représente pas. Aux États-Unis, le président, c’est avant tout le « commandant en chef » qui conduit le pays. On attend de lui vision, détermination et autorité beaucoup plus que compétence technique. Il est aujourd’hui difficile à Joe Biden de répondre à ce besoin. Un sympathique papy n’est pas un « commandant en chef » crédible.
Or, à ce sujet, Joe Biden a toujours été jusqu’ici très clair : il demandera aux électeurs un second mandat en 2024. Sans doute faut-il y voir la volonté d’éviter de n’être considéré par l’opinion publique que comme un intermède politique sans importance. En fait, semble-t-il, rien n’est entièrement joué : en effet, après des élections de mi-mandat relativement bonnes pour son administration, Joe Biden a annoncé qu’il ferait bientôt part de sa décision finale après avoir consulté sa femme et ses proches.
En tout cas, le temps presse. En effet, nous ne sommes qu’à moins de quinze mois des primaires alors que chez les démocrates, aucun autre candidat n’émerge. La prétendante naturelle que semblerait être la vice-présidente Kamala Harris ne convainc pas. En tout cas, l’appareil du parti n’en veut pas et ne s’y rallierait pas. Le poste de vice-président est, certes, ingrat, mais la plupart des observateurs jugent qu’elle a échoué à trouver sa place dans le système : elle serait agressive, maladroite et, ajoute la gauche du parti, trop conservatrice. Il est vrai qu’elle a été un « attorney general » à poigne en Californie, ce qui lui avait déjà valu, en 2020, de ne pas faire de vieux os dans les primaires démocrates. Elle essaiera, mais son succès n’est en rien assuré.
Quinze mois, c’est peu alors qu’il faudra que les candidats à la candidature trouvent le financement nécessaire, constituent leurs équipes et sillonnent les États-Unis. Une campagne américaine, ce sont des milliards de dollars, des centaines de salariés et des dizaines de milliers de volontaires. C’est une lourde entreprise où l’amateurisme n’a pas sa place. Par ailleurs, si les États-Unis ont la capacité de choisir comme président des candidats sans expérience nationale, comme ils l’ont fait, en leur temps, avec Carter, Clinton ou Obama, il faut quand même du temps pour se faire connaître dans un pays à la dimension d’un continent où les électeurs s’intéressent avant tout à la politique locale.
Un ami me disait par exemple qu’en Géorgie où il vit, nul ne sait qui est le gouverneur de Californie, Newson, qu’on cite volontiers comme candidat potentiel. Comme me l’a fait remarquer un ancien collaborateur d’Obama, un an avant les primaires, celui-ci était déjà en campagne et était connu du grand public. Il avait d’ailleurs attiré tous les regards, quatre ans plus tôt, lorsqu’il avait fait le discours inaugural de la convention démocrate qui avait désigné John Kerry en 2004.
En d’autres termes, dans la perspective de 2024, les démocrates se trouvent aujourd’hui dans une position aussi difficile que les républicains. À droite, on risque de s’étriper autour d’un Donald Trump qui vendra cher sa peau mais à gauche, on est confronté à une alternative qui n’est pas réjouissante, soutenir un président sortant, au bilan honorable, mais à l’évident vieillissement ou des candidats que ne connaît pas une large partie de l’électorat dans l’espoir qu’en un an, ils surmontent cet énorme handicap. On voit qu’il est capital que Joe Biden fasse connaître le plus rapidement possible sa décision.
Le rythme politique américain est tel que le pays vit quasiment toujours en campagne électorale. L’élection que nous venons de vivre n’a été que le prologue de celle pour les présidentielles de 2024. Gageons que les États-Unis vont nous offrir une nouvelle saison agitée et donc passionnante de la série télévisée à laquelle ressemble parfois leur vie politique.