LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. Ni la guerre de Poutine en Ukraine ni le conflit au Proche-Orient ne semblent en mesure de réveiller les Européens.
Voilà les houtis, une secte politico-religieuse dont chacun sait qu’elle est armée par l’Iran, qui se met à rendre impossible le transit commercial en mer Rouge vers le canal de Suez. Les principales compagnies de transport de containers sont obligées de détourner leurs navires via le cap de Bonne Espérance, ce qui revient à allonger et à rendre plus coûteux le transport de 20 à 25 %. Dans une économie mondialisée, dont le fonctionnement harmonieux repose sur des chaînes de valeur qui vont de Shanghai à Hambourg, c’est tout sauf un détail.
Que croyez-vous que fait l’Union européenne, qui se veut géopolitique, pour citer la présidente de la Commission ? La réponse est simple : rien. Ou plutôt, comme d’habitude, elle attend les États-Unis et s’étonne discrètement qu’ils n’aient pas déjà réagi. Que les intérêts de ceux-ci ne soient pas directement en jeu ne suffit apparemment pas à convaincre les Européens de régler la crise par eux-mêmes ; que l’ennemi et son parrain soient clairement identifiés et que le premier ne soit en rien un adversaire redoutable ne galvanise pas la diplomatie européenne. Une fois de plus, l’Europe se tourne piteusement vers Washington. À ce niveau, la dépendance n’est pas un état qu’on subit mais un choix qu’on assume.
Défaite de l’Ukraine et élection de Trump
Au même moment – mais est-ce un hasard ? –, les capitales européennes s’inquiètent des nouvelles décevantes du front ukrainien et bruissent avec effroi de l’hypothèse d’une élection de Trump à la présidentielle de novembre 2024. Les premières laissent prévoir des mois difficiles pour un pays qui doit conduire une guerre d’usure contre une Russie beaucoup plus puissante que lui et la seconde pourrait signifier bel et bien la défaite de l’Ukraine tant l’Europe est aujourd’hui incapable de prendre le relais de l’industrie de défense américaine.
Croyez-vous que les Européens serrent les rangs et prennent les décisions difficiles qui s’imposeraient s’ils étaient sérieux dans leur volonté d’empêcher une victoire de la Russie ? Que nenni ! Ils sont incapables de livrer plus d’un tiers du million d’obus de 155 qu’ils ont promis à Kiev mais ils n’en tirent pas les conséquences qui s’imposent en mobilisant leur industrie de défense qui continue, à peu de chose près, à fonctionner comme elle le faisait avant le 22 février 2022. D’ailleurs, les opinions publiques, si elles conservent leur sympathie pour la victime de l’agression, ne manifestent pas une détermination et une fermeté qui conduiraient leur gouvernement à aller dans ce sens. Tout au contraire, il est facile de conclure que les dirigeants européens n’osent pas demander à leurs électeurs des sacrifices supplémentaires alors que les élections néerlandaises et slovaques laissent entendre que ce soutien reste platonique ou, en tout cas, s’en tient, au mieux, à ce qui est fait aujourd’hui.