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Biden ou Trump ? Ce qui va faire la différence lors de la prochaine présidentielle américaine

LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. Que ce soit pour Donald Trump ou Joe Biden, tout semble encore possible avant le scrutin de novembre. De nombreuses inconnues seront à surveiller.

J’avais prévu de me rendre aux États-Unis pour faire le point sur le scrutin du 5 novembre prochain. Je ne pouvais imaginer que j’irais d’un pays au bord de la crise de nerfs à un autre atteint de dépression nerveuse, d’une France où chaque jour apporte son lot de rebondissements à des États-Unis qui connaissent une campagne particulièrement atone.

Le procès de Trump n’a été qu’un long tunnel procédural dont on s’est rapidement désintéressé. Nul ne doutait qu’il n’ait effectivement recouru aux services d’une prostituée et qu’il ait tenté de le dissimuler, y compris en truquant ses comptes, mais bien peu s’en formalisent tant il échappe, aux yeux de ses partisans, aux catégories morales qu’ils appliquent aux autres. Le juge doit prononcer sa sentence dans les semaines qui viennent mais, comme il est improbable qu’elle ne prenne la forme d’une peine de prison, elle sera vite oubliée.

Trump n’a même plus besoin de présenter un programme
Trump continue donc imperturbablement sa campagne tout en prononçant des discours de plus en plus incohérents, ce qui n’émeut pas les électeurs qui lui font un triomphe. Combatif, vindicatif et radical, il excite leur colère et exalte leurs émotions sans avoir besoin d’énoncer le moindre raisonnement ni de présenter le moindre programme. C’est une bête de scène, une force de la nature qui ne respecte rien.

Il insulte son adversaire, il piétine les convenances, il multiplie les contre-vérités. C’est pour cela que beaucoup l’aiment tant il paraît renverser à leur profit le mépris dont ils pensent être les victimes de la part d’élites dont il foule aux pieds les convictions. Il parle comme eux, il dit ce qu’ils pensent mais n’osent dire. Il est le retour du refoulé.

Théâtral, excessif et brutal, Trump l’est encore plus qu’en 2016 et en 2020 mais l’effet de surprise ne joue plus. Trump fait du Trump. Rien là de fondamentalement nouveau. Un « bruit de fond » auquel le pays est désormais habitué.

Ce n’est pas Joe Biden qui va réveiller la campagne électorale… J’ai participé à un événement de sa visite d’État en France et, comme mes compatriotes présents qui m’ont fait part de leur surprise, j’ai pu constater à quel point l’homme est fatigué. Ses propos étaient à peine compréhensibles, son pas hésitant et son visage figé. À ce dernier égard, une amie américaine, visiblement spécialiste du sujet, a remarqué : « Trop de botox »…

Joe Biden, un bon président bien trop fatigué
Au cours de la visite, il a été facile aux caméras de faire apparaître ses moments d’absence. Aux États-Unis, mes amis démocrates sont passés du « il est trop vieux », que j’entendais il y a quelques mois, à, aujourd’hui, « pourvu qu’il n’ait pas un accident de santé pendant la campagne ». Ils se rassurent en se disant qu’il devrait tenir le choc du prochain débat télévisé qui sera décisif à cet égard et qu’il n’aura pas besoin de se livrer au cirque infernal des meetings à travers le pays.

Ils affirment, avec raison, que Joe Biden aura été un bon président dont témoignent les excellentes performances économiques du pays auprès desquelles l’Europe fait pâle figure. Ils en sont réduits à espérer que les Américains le comprennent enfin, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est vrai que l’inflation a durement frappé une classe moyenne victime de surcroît du recours aux taux d’intérêt variables pour les emprunts immobiliers.

Oui, Joe Biden l’emportera dans le vote populaire au niveau national. Mais qu’en sera-t-il dans un collège électoral qui avantage de plus en plus les Républicains au fil de l’évolution démographique du pays ? En 2020, Joe Biden avait réuni 7 millions de voix de plus que Trump soit 4,5 % de l’électorat et pourtant le basculement de 120 000 suffrages bien placés aurait suffi à inverser le résultat. Dans trois États, Arizona, Géorgie et Wisconsin, son avance combinée se chiffrait à 43 000 suffrages !

Le Michigan et la Pennsylvanie s’annoncent décisifs
Dans ce contexte, en novembre, le Michigan et la Pennsylvanie joueront un rôle clé. Biden ne les avait gagnés respectivement que de 155 000 et 70 000 voix en 2020. Or, le premier est le seul État où les musulmans pèsent assez pour le faire basculer d’un côté ou de l’autre. Dans ces conditions, la tragédie de Gaza pourrait s’y retourner contre un président sortant dont le soutien à Israël ne s’est accompagné d’aucune influence modératrice sur l’opération militaire.

En tout cas, j’ai pu sentir l’inquiétude de mes amis démocrates. Ils veulent croire à la mobilisation des femmes sur la cause de l’avortement, qui leur a permis des succès inattendus dans les élections locales ; ils espèrent que les débordements oratoires d’un Trump de plus en plus délirant lui aliéneront les électeurs mais ils sentent que leur candidat, pour respectable qu’il soit, pour fier qu’il puisse être de son bilan, est incapable de projeter l’image du « commandant en chef » que recherchent les Américains.

Deux inconnues pèseront sur le résultat, le niveau de la participation et le vote des conservateurs modérés. Une augmentation de la première joue en faveur des démocrates mais la personnalité du candidat peut-elle galvaniser les électeurs, en particulier les jeunes ? Quant à la seconde, nul ne sait si les évidentes réticences de cet électorat à l’égard de Trump se traduiront dans les urnes de manière significative. Rien n’est joué mais Trump conserve toutes ses chances.

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