LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. Le second mandat de Donald Trump s’annonce beaucoup plus radical que le premier. L’Amérique et le monde sont prévenus.
Beaucoup d’Américains ont voté pour Donald Trump en se disant que son premier mandat prouvait que, quels que soient ses excès oratoires, il n’était pas le dictateur dangereux que dénonçaient ses adversaires. Non seulement les libertés publiques n’avaient pas été entamées mais il avait plutôt bien géré une économie qui affichait des résultats impressionnants au moment où la crise du Covid a frappé le pays. Un gueulard mal élevé mais un homme d’affaires avisé semblait résumer le personnage. Qu’il proclame, de surcroît, son souci de paix ne pouvait que satisfaire une opinion publique lasse d’interventions extérieures coûteuses et inefficaces.
Cela étant, c’était ne pas déceler ou ne pas prendre au sérieux la radicalisation de son discours depuis 2020. Tout a commencé par une défaite qu’il n’a jamais acceptée alors que tout prouve que le scrutin a été parfaitement régulier. Il n’a cessé de justifier l’assaut du Congrès par ses partisans qui a fait plusieurs victimes, le 6 janvier 2021, au point d’annoncer qu’il en gracierait les coupables. Vindicatif, il l’a dit et répété : il poursuivrait tous ceux qui lui auraient porté tort au cours de ces quatre années.
Par ailleurs, il a pris pour nouvelle cible « l’État profond » qui aurait entravé son action à la présidence et aurait joué un rôle dans le harcèlement juridique dont il se dit victime. Pas un discours sans qu’il annonce une purge de l’administration et d’un état-major qu’il accuse de ne pas l’avoir soutenu lorsqu’il contestait le résultat des élections.
La garde rapprochée de trumpistes inconditionnels
C’est dans ce contexte qu’il a rapidement commencé à annoncer le nom de ses principaux collaborateurs. Tous les analystes tentent d’en déduire l’orientation de la politique de sa future administration, mais l’expérience nous apprend que non seulement, en son sein, il sera le seul à prendre les décisions mais aussi qu’il ne tolère pas la manifestation du moindre désaccord autour de lui. Les têtes sont tombées dru entre 2017 et 2021.
Stephen Miller, qui était un des rares à avoir survécu au maelstrom de la Maison-Blanche de cette période, m’a expliqué que Trump ne peut pas supporter qu’on tente de le modérer dans ses instincts mais qu’en revanche il apprécie un conseiller qui est plus extrême que lui… Miller, qui m’avait dit lire Charles Maurras, l’était incontestablement sur les questions d’immigration. C’est sans doute la raison pour laquelle il est de retour en tant que secrétaire général adjoint de la présidence en charge de ces affaires.
Il ne sera d’ailleurs pas le seul trumpiste inconditionnel avocat de solutions extrêmes auprès de Trump. En effet, à part deux choix assez « classiques », Marco Rubio, secrétaire d’État, et Mike Waltz, conseiller national de sécurité, les autres noms sortent résolument des sentiers battus pour promouvoir des personnalités marginales et controversées. Pete Hegseth au département de la Défense, une vedette de Fox News, couvert de tatouages d’extrême droite, qui affirme ne pas croire à l’existence des microbes puisqu’il ne les a jamais vus et qui ne s’est donc pas lavé les mains depuis dix ans ; Matt Gaetz à la Justice, alors qu’il a été l’objet d’une enquête pour relations sexuelles avec une mineure ; Robert Kennedy Jr à la Santé, hostile à tous les vaccins et qui considère que le Covid a été créé pour épargner les Chinois et les juifs ; Tulsi Gabbard pour coordonner le renseignement, bien qu’elle soit si proche de la Russie qu’elle est souvent invitée dans les médias de ce pays, où on la présente comme une amie.
Enfin, Elon Musk, aujourd’hui omniprésent aux côtés du président élu, prendra la tête d’un nouveau département de l’Efficacité du gouvernement et annonce des réformes radicales de l’État fédéral : licenciements en masse, suppression d’agences, dérégulation sont à son programme. En licenciant 80 % des employés de X (ex-Twitter) dès l’achat de la plateforme, il a prouvé la brutalité dont il était capable. Nul doute qu’il entendra user de la hache avec la même détermination à Washington. Cela étant, on peut se demander combien de temps les deux mégalomanes réussiront à coexister.
Aucun contre-pouvoir à Trump
Par ailleurs, le nouveau président élu publie vidéo sur vidéo pour annoncer les réformes qu’il entend imposer. Il a ainsi promis de faire disparaître le ministère fédéral de l’Éducation pour confier entièrement ce secteur aux États, qui seront maîtres de son contenu.
Tout laisse donc prévoir un second mandat plus radical que le premier, d’autant qu’aucun contrepouvoir ne pourra s’exercer. Non seulement les républicains contrôlent tous les organes de l’État, présidence, assemblées et Cour suprême, mais aussi Trump peut se targuer d’un mandat populaire pour imposer sa volonté à son camp. L’immigration, le fonctionnement des pouvoirs publics et la gestion de l’économie devraient être en tête de programme, mais la politique étrangère n’y échappera pas.
Son fils aîné, qui partage sa violence verbale, explique aujourd’hui que son rôle sera de s’assurer que le programme Maga sera partout mis en œuvre. Comme sinistre présage, il a diffusé une photo de Zelensky avec en légende « Il va perdre sa pension mensuelle ». Saluons la délicatesse et attachons nos ceintures. Ça va tanguer…