Avant même d’être investi président, Donald Trump a fait plier son « ami » Benyamin Netanyahou sur une trêve avec le Hamas.
a victoire de Donald Trump a probablement suscité, dans un premier temps, l’enthousiasme à Jérusalem. Jamais président des États-Unis n’avait été à ce point ami d’Israël, ce qui n’est pas peu dire. En effet, non seulement il y avait nommé un ambassadeur qui avait contribué au financement de la colonisation en Cisjordanie et qui devait confirmer ensuite son alignement sur les thèses du Likoud, mais il avait transféré l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem et il y avait fermé le consulat général qui était chargé des relations avec les Palestiniens, qui perdaient ainsi un interlocuteur sensible à leurs préoccupations. Ajoutant l’injure à l’insulte, il avait confié le dossier du conflit au Moyen-Orient à son gendre, Jared Kushner, qui était l’hôte de Netanyahou lorsque celui-ci venait à New York. Sans surprise, le « plan de paix » qui en avait résulté était à ce point caricaturalement favorable à Israël qu’il était mort-né.
Dans un premier temps, tout semblait justifier cette satisfaction israélienne. Le président annonçait rapidement la nomination d’un nouvel ambassadeur américain, qui jugeait que le peuple palestinien n’existait pas, et il menaçait le Hamas de subir toute la puissance des États-Unis s’il ne libérait pas les otages israéliens. Cependant, comme je l’ai déjà écrit, rien n’est simple avec Donald Trump : aucune alliance, aucune amitié, aucun engagement ne le lie. Il n’agit qu’en fonction de ce qu’il considère comme l’intérêt de son pays, sans tenir le moindre compte de ce que peuvent penser, attendre ou espérer les adversaires, mais aussi les partenaires des États-Unis.
America First, « l’Amérique d’abord », son antienne, signifie, en réalité, « l’Amérique seule ». Or, s’il nourrit une conviction, c’est une volonté d’extraire son pays d’engagements qui peuvent l’entrainer dans un conflit armé. Il n’est en rien un belliciste. Le seul interventionnisme qu’il revendique, c’est le recours aux droits de douane pour faire plier les concurrents des États-Unis.
« L’ami d’Israël » a ainsi apparemment conclu que l’État hébreu devait mettre au plus vite un terme à une opération militaire qui ne se poursuivait que grâce au soutien financier et matériel américain, puisqu’il existait un moyen de libérer les otages par la négociation. En effet, Netanyahou se refusait jusqu’ici à accepter un accord dénoncé par une partie de sa coalition. Biden n’avait rien obtenu d’Israël malgré une aide de plus de 20 milliards de dollars ; rien, pas même pour l’acheminement de l’aide humanitaire.
Il est vrai qu’à aucun moment il n’a tapé du poing sur la table, que ce soit pour des raisons électorales ou par conviction. Trump n’est pas encore à la Maison-Blanche que son représentant spécial pour le Moyen-Orient, Steven Witkoff, s’est déjà rendu à Jérusalem et que Netanyahou a soudain fait savoir qu’il changeait d’avis. Deux hypothèses peuvent l’expliquer : soit Witkoff a été jusqu’aux menaces, soit les contreparties qu’il a fait miroiter à son interlocuteur ont paru justifier ce sacrifice. Elles ne s’excluent d’ailleurs pas, étant donné l’approche purement transactionnelle de la diplomatie selon Trump.
L’accord lui-même peut encore échouer, le diable étant dans les détails d’une mécanique complexe entre libération des otages et retrait de Tsahal. En tout état de cause, ce qu’il faut retenir de l’épisode, c’est l’imprévisibilité d’un Trump qui n’est définitivement acquis à aucune cause et qui n’hésite pas à renverser la table quand il le juge nécessaire. Netanyahou en a rapidement tiré les conclusions ; Poutine devrait y réfléchir à deux fois lorsqu’il évoquera avec son homologue américain la fin de la guerre en Ukraine.
Une deuxième leçon peut être tirée si cet accord est conclu et appliqué, c’est qu’une succession de succès tactiques, si incontestables soient-ils, n’entraîne pas automatiquement une victoire stratégique, c’est-à-dire une victoire qui conduit à un nouvel état politique, plus stable et plus favorable au vainqueur que le précédent. Israël a rasé la bande de Gaza, écrasé le Hezbollah et infligé en Syrie une défaite sans appel à l’Iran, mais rien n’y fait : le Hamas est toujours là.
Le secrétaire d’État américain, Tony Blinken, a même expliqué que le mouvement terroriste avait déjà reconstitué ses effectifs. Nul ne peut penser que l’éventuelle nouvelle administration palestinienne pourra s’en débarrasser. En d’autres termes, si Israël a pu bouleverser l’équilibre géopolitique de la région, il n’a pas pu éradiquer le responsable des atrocités du 7 octobre 2023. Cet échec, il le doit à son refus obstiné d’associer une initiative politique à l’opération militaire de peur de donner une nouvelle légitimité à la revendication d’un État palestinien. Il s’est enfermé ainsi dans une impasse stratégique, que cet accord consacre et dont « l’ami Trump » n’a pas voulu l’aider à sortir.