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Gérard Araud – Menaces républicaines aux midterms sur le soutien américain à l’Ukraine

CHRONIQUE. La question de l’aide а l’Ukraine est au coeur des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Le camp républicain veut que l’Europe prenne la relève.

Le 8 novembre prochain, les Américains iront aux urnes pour élire les membres de la Chambre des représentants, un tiers du Sénat (en réalité 35 sur 100) et des milliers d’élus locaux, dont 36 gouverneurs.

Il y a encore quelques mois, toutes les indications semblaient annoncer un raz de marée républicain dans les deux Chambres. Il est vrai que ce scrutin à mi-mandat du président est traditionnellement un moment difficile pour l’administration en place qui, depuis un demi-siècle, l’a toujours perdu à la seule exception de 1998. Or, à ce handicap structurel s’ajoutent contre les démocrates une forte inflation, qui atteint 8,5 %, une augmentation sensible de l’insécurité et l’impopularité de Joe Biden, dont le taux d’approbation reste bas pour les États-Unis, aux environs de 40 %.

Dans un pays plus que jamais polarisé, les républicains ont par ailleurs réussi à faire de l’immigration un thème central de la campagne, qui joue contre leurs adversaires accusés de tolérer une « invasion » en provenance d’Amérique latine. Du côté démocrate, les tenants du wokisme continuent d’exaspérer les modérés. Enfin, Joe Biden lui-même multiplie les gaffes au point de paraître justifier ceux qui mettent en cause sa lucidité. Toujours est-il qu’avant l’été, deux de mes amis, élus démocrates à la Chambre, qui l’avaient emporté en 2020 avec presque dix points d’avance, me confiaient leurs inquiétudes sur leur sort en novembre prochain. Pour eux, l’affaire était entendue : les républicains allaient reprendre les deux Chambres.
Je leur ai parlé récemment et j’ai été frappé par la différence de leur ton aujourd’hui : les voilà plus confiants sur leurs chances personnelles et sur celles de leur parti. Pourquoi tous les sondages leur ont-ils ainsi rendu l’espoir ? Pour eux, l’explication est double. Le facteur le plus important résiderait dans la décision de la Cour suprême qui a privé le droit à l’avortement de sa protection constitutionnelle et qui a permis aux États républicains soit de le restreindre sévèrement, soit de le supprimer. Ils ont vu dans leur circonscription les femmes se mobiliser alors que, traditionnellement, elles votent assez peu à ce scrutin. La question est dès lors de savoir si cette colère se traduira dans les urnes. En tout cas, elle est déjà sensible dans les sondages. Deuxième élément qui jouerait pour les démocrates, la désignation de certains candidats extrémistes par les primaires républicaines sous l’influence de Donald Trump. Enfin, détail qui n’en est pas un, le prix du carburant a sensiblement baissé après avoir atteint des sommets (américains…). La direction du parti républicain s’inquiète d’ailleurs de cette évolution de l’électorat au point d’essayer de modérer ses positions, y compris en ce qui concerne l’avortement, quitte à se faire vertement remettre en place par l’ex-président qui est toujours le gourou de ses fidèles.


L’inconnue de la participation

Les États-Unis offrent une surabondance de modèles mathématiques, d’analyses et de débats à l’approche des élections. On s’y perd aisément. Qu’en retenir ? Les prédictions sont d’autant plus difficiles que le résultat dépendra d’un taux de participation habituellement bas que les sondeurs ont toujours des difficultés à estimer. Deux points de vote en plus ou en moins peuvent changer du tout au tout la couleur des Chambres. Cela dit, avec toutes les précautions d’usage, une majorité d’experts semblent estimer que, aujourd’hui, le plus probable serait une victoire républicaine à la Chambre des représentants et démocrate au Sénat. En effet, dans le premier cas, non seulement le parti présidentiel n’y a aujourd’hui que quelques sièges d’avance, mais encore les républicains qui contrôlent toutes les institutions d’une vingtaine d’États (huit pour leurs adversaires) s’y sont livrés avec enthousiasme au jeu du charcutage électoral, assurés de la neutralité d’une Cour suprême conservatrice. Quant au Sénat, la bonne performance inattendue des candidats démocrates doit beaucoup au choix parfois étonnant de leur opposant. On frôle chez certains les limites de la conspiration QAnon qui voit partout des pervers pédophiles.

LEPOINT