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Quelles conséquences après le naufrage en direct de Joe Biden ?

LA CHRONIQUE DE GÉRARD ARAUD. Le débat entre Joe Biden et Donald Trump a été calamiteux pour le président sortant. Les démocrates vont devoir agir.

Les lecteurs réguliers de cette chronique ont en mémoire que je n’ai cessé de souligner à quel point l’âge de Biden pèserait sur la campagne électorale. Avant même qu’il ne soit élu en 2020, j’avais constaté à l’occasion d’une rencontre informelle qu’il « faisait vieux » pour parler vulgairement ; plus que ses 73 ans de l’époque en tout cas. Six ans plus tard, cela ne pouvait pas s’être amélioré.

La semaine dernière, de retour des États-Unis, je notais les inquiétudes croissantes des démocrates sur sa capacité à conduire une campagne et leur conviction que le débat qui allait l’opposer à Trump serait à cet égard décisif pour en juger. Le débat a donc eu lieu jeudi soir, et comme mes amis le craignaient, le verdict est sans appel : Biden a paru un pauvre vieil homme dépassé par les événements au point que les deux tiers des spectateurs attribuent la victoire à son adversaire alors que Trump, plus incohérent que jamais, n’a cessé d’aligner les contre-vérités.

Le matin qui a suivi, les démocrates américains se sont réveillés dans un état de panique qui fait peine à voir mais dont ils sont les seuls responsables. En novembre 2020, le jour de son élection, j’avais alors conclu, comme tous les commentateurs, que Joe Biden, à 78 ans, ne serait le président que d’un seul mandat. Prétendre lui en faire briguer un second qu’il achèverait à 86 ans avait d’autant moins de sens que ses problèmes cognitifs étaient de plus en plus visibles. Que va-t-il donc se passer ? De nombreux éditorialistes démocrates appellent Joe Biden à se retirer. Mes interlocuteurs américains avaient déjà évoqué, la semaine dernière, devant moi, cette hypothèse en imaginant les présidents Clinton et Obama conseillant à leur successeur de renoncer.

C’est encore juridiquement possible. Le processus normal des primaires étant bouleversé, il appartiendrait à la Convention démocrate qui se tiendra à Chicago du 19 au 22 août de choisir le candidat démocrate à l’élection du 5 novembre. Dite alors « ouverte », elle serait souveraine en la matière, ce qui peut conduire à pas mal de dérapages étant donné sa désorganisation chronique et la présence d’activistes parmi les délégués. Le bourrage d’urnes n’est pas inconnu dans cet environnement tumultueux. Encore faut-il qu’il y ait un ou plusieurs candidats crédibles. Pour remplir cette condition, ils doivent bénéficier d’une reconnaissance nationale, ce qui réduit considérablement le nombre de noms. En effet, en moins de quatre mois, il est difficile, voire impossible, de se faire connaître dans un pays à la taille d’un continent où la politique reste avant tout locale.

Michelle Obama ou Antony Blinken ?
Un gouverneur peut être un parfait inconnu en dehors de son État. Je pense qu’il faut écarter les noms qui apparaissent souvent sur mon fil X de la part de mes compatriotes mais je peux me tromper : Michelle Obama et Antony Blinken. Michelle Obama a toujours nié vouloir entrer en politique. Il est vrai qu’elle se heurterait au racisme de beaucoup. On oublie que son mari est non seulement de mère blanche et de père kényan. En d’autres termes, par ses origines et par son éducation par sa mère et ses grands-parents maternels, il n’était pas identifié à une communauté africaine-américaine dont il n’a jamais partagé la vie et où on l’accusait d’ailleurs parfois d’être « noix de coco » – noir à l’extérieur et blanc à l’intérieur. Enfin, Michelle Obama est vue comme plus à gauche que son mari, ce qui pourrait lui aliéner les électeurs centristes.

Quant à Blinken, il est trop policé, trop technocrate, trop internationaliste pour un pays volontiers populiste qui élit un « commander-in-chief » et non un énarque. Alors qui reste-t-il ? La vice-présidente Kamala Harris évidemment, mais, comme je l’ai souvent expliqué, elle est généralement jugée avoir échoué à un poste, il est vrai ingrat. Elle serait maladroite et brutale. Par ailleurs, ancienne procureure générale de Californie à poigne, elle suscite l’hostilité de la gauche du parti.

Toujours est-il que je n’ai jamais rencontré un dirigeant démocrate qui soit son partisan. Cela étant, il arrive qu’il faille faire contre mauvaise fortune bon cœur. À part elle, deux noms de gouverneurs émergent particulièrement, Gavin Newsom, de Californie et Gretchen Whitmer, du Michigan. L’un et l’autre sont brillants. Le premier est moins inconnu que la seconde au plan national mais souffre de l’image d’une Californie que le reste du pays aime considérer comme l’État de tous les excès (impôts, réglementation, wokisme, insécurité, embouteillages). Ses habitants la fuiraient pour le Texas ou la Floride. Sa population est d’ailleurs en déclin.

Il serait difficile à Newsom, beau gosse de 56 ans à l’américaine, de se dépêtrer de cette image.a Whitmer, 43 ans, s’est fait un nom sur la défense de l’avortement et sur sa fermeté face aux milices d’extrême droite qui la menaçaient. Mais il est tard. Tard pour lever l’argent nécessaire (plus de 1 milliard de dollars !) et constituer les équipes ; tard pour se faire connaître. Les démocrates sont désormais confrontés à un scénario catastrophe dont ils peuvent peut-être encore se tirer honorablement. Encore doivent-ils agir très vite. Biden peut encore s’accrocher. Chaque jour perdu joue en faveur de Trump.

LE POINT