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Plan de paix pour Gaza : jeu de mistigri au Moyen-Orient

Accepté par le Hamas, le plan de Donald Trump pour la fin du conflit entre Palestiniens et Israéliens a néanmoins toutes les chances d’être enterré.

Le mistigri est un des jeux de cartes préférés des diplomates. En effet, il leur arrive parfois de ne pas vouloir assumer publiquement une décision, en général le refus d’une proposition, et donc d’essayer de refiler métaphoriquement le valet de pique à un autre acteur. Le plan qu’a présenté Donald Trump aux deux ennemis pour mettre un terme aux hostilités à Gaza nous en offrira, je le crains, une nouvelle illustration.
En effet, si le Hamas a semblé accepter le projet du président américain, il suscite à Jérusalem des objections fondamentales : non seulement il prévoit l’évacuation du territoire par Tsahal, non seulement il marque l’échec d’une politique qui visait au départ des Palestiniens et à la saisie du territoire, mais, abomination entre les abominations, il ouvre la perspective de cet État palestinien dont Netanyahou et, derrière lui, une grande partie de la classe politique israélienne refusent la création. Le premier l’a récemment confirmé dans les termes les plus solennels et les plus catégoriques. Cela étant, il n’est pas simple de s’opposer à une proposition d’un président américain impérieux, susceptible et imprévisible alors qu’elle a été acclamée par la communauté internationale.
Les tactiques israéliennes
En pareil cas, qui s’est déjà présenté au cours des décennies de vaines médiations américaines, Israël a recours à deux tactiques qui, en général, lui ont réussi pour faire capoter une initiative de Washington sans en assumer la responsabilité. La première est la plus simple : attendre le refus palestinien pour ensuite verser des larmes de crocodile sur une proposition dont on est fort aise d’être débarrassé. C’est facile : les Palestiniens sont à la merci d’extrémistes qui se livrent en général à toutes les surenchères et imposent leur volonté aux modérés.
Si, par extraordinaire, les choses ne se passent pas ainsi, les Israéliens recourent alors à leur seconde manœuvre qui consiste à présenter une réponse apparemment positive à Washington mais en l’entourant de réserves, de questions et de qualifications qui reviennent à la vider de toute signification. Ils pensent que, s’ils sont assez adroits, les Américains n’oseront pas dénoncer leur manœuvre de peur d’une réaction des soutiens dont dispose leur pays outre-Atlantique. Depuis George H. Bush en 1991, dont la défaite électorale en 1992 a paru à beaucoup la conséquence d’une confrontation avec l’État juif, jamais un président ne s’y est risqué.
Aujourd’hui, il ne nous reste donc qu’à attendre la manière dont Israël va tenter d’enterrer le plan Trump. La première étape en a été la décision de ne pas le présenter au gouvernement pour approbation, comme la loi l’exige. C’est d’autant plus significatif que le principal parti centriste avait offert à Netanyahou de remplacer l’ultradroite qui serait alors sortie de la majorité. Celui-ci a donc choisi une voie qui lui permet d’éviter une crise politique à Jérusalem, révélant ainsi ses préférences pour le maintien de la coalition d’extrême droite actuelle.
Les déclarations du Premier ministre n’engagent que lui, ce qui n’est pas beaucoup quand on connaît son talent pour tirer des bords. Israël conserve donc juridiquement les mains libres envers un plan qu’il n’a ni officiellement accepté ni refusé. Benyamin Netanyahou a d’ailleurs commencé à y choisir les points qui lui conviennent aux dépens des autres : en hébreu, il a ainsi précisé ce qu’il s’était gardé de dire en anglais à la Maison-Blanche à savoir que Tsahal ne se retirerait pas de Gaza et qu’il n’y aurait pas d’État palestinien, ce qui revient à priver les Palestiniens de deux des principaux acquis de la proposition américaine.
Éviscérer le plan américain
Prédire ce qui va se passer est donc facile : la première tactique habituelle ayant échoué du fait de l’acceptation par le Hamas du plan américain sous la pression qu’ont exercée sur lui Turquie et pays arabes, Israël va tout faire pour éviscérer le plan américain. Il n’a d’ailleurs réagi à la réponse palestinienne qu’en évoquant la libération des otages, sans référence à ses propres engagements.
Cela étant, tout ce qui permettrait d’arrêter, même un temps bref, le martyre des populations civiles mérite notre soutien. Dans le contexte désespéré et désespérant actuel, nous n’avons d’autre choix que d’espérer que ce plan, tout imparfait et déséquilibré soit-il, connaisse au moins un début d’exécution. En tout cas, il nous rappelle que les États-Unis restent au Moyen-Orient les maîtres du jeu, vers lesquels se tournent aussi bien Israël que les pays arabes. Dans une région où règne la realpolitik la plus crue, le sort des Palestiniens pèse bien peu face au besoin de protection américaine des monarchies du Golfe.