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Gérard Araud : Chronique du Point

Les raisons de la lune de miel entre Paris et le Golfe

9 décembre 2021 – La visite d’Emmanuel Macron ne se résume pas à la vente de Rafale. La France est désormais l’un des principaux alliés des monarchies du Golfe.

La conclusion du contrat de vente de 80 Rafale aux Emirats arabes unis est une excellente nouvelle pour notre industrie. Mais ce serait choisir le « petit bout de la lorgnette » que de n’ouvrir, а cette occasion, que le dossier si souvent revisitй de la compatibilité des contrats d’armements et de la défense des droits de l’homme.
En effet, mкme si les rencontres d’Emmanuel Macron avec ses interlocuteurs а Abou Dhabi, au Qatar et en Arabie saoudite justifient de soulever ces questions, c’est leur signification géopolitique, qui est majeure, qui devrait surtout nous intéresser. Le Moyen-Orient connaît, depuis maintenant deux décennies, un bouleversement de son équilibre stratégique. Les deux principales puissances qui maintenaient celui-ci pour le compte du monde arabe, l’Irak et l’Egypte, en sont désormais incapables, le premier а la suite de l’intervention désastreuse des Etats-Unis et la seconde du fait de sa crise intérieure. La Syrie a sombre dans la guerre civile. La nature ayant horreur du vide, l’Iran en a profitй pour pousser partout ses pions, en Irak, en Syrie, au Yйmen et au Liban. La Turquie, forte de sa nouvelle puissance économique, se fait prйsente et pressante.

Les monarchies du Golfe, dont la richesse suscite toutes les convoitises, ont toujours considéré les États-Unis comme leur garantie ultime. Or, voici que ceux-ci n’ont plus besoin de leurs ressources pétrolières et deviennent eux-mêmes des exportateurs nets d’énergie et manifestent, par ailleurs, leur volonté de réduire leurs interventions extérieures. La manière dont ils se sont retirés hâtivement d’Irak et d’Afghanistan, et dont ils se lavent les mains de la tragédie syrienne, en témoigne. Soudain inquiètes pour leur sécurité, les monarchies du Golfe sont condamnées à chercher ailleurs qu’à Washington la réassurance dont elles pensent avoir besoin. Elles l’ont d’abord trouvée face à l’Iran à Jérusalem au nom du sacro-saint principe des relations internationales qui dit que l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Il y a longtemps qu’existait une coopération plus ou moins secrète entre Israël, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Les accords dits « d’Abraham », signés sous l’administration Trump, n’ont fait que transformer cette liaison en un mariage de raison.

Le Point

 

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